Sunday, January 06, 2008

La vie moderne nous met face aux nouvelles difficultés
Aujourd’hui on a tendance à élever les filles comme des garçons, à surprotéger nos enfants, les femmes ne sont pas tentées à faire des compromis ni des compromissions du temps de nos grand-mères, les hommes sont un peu remis en question dans leur statut

Carte de visite : Sabine Parmentier est psychanalyste française et docteur en linguistique. Elle fait partie de l’équipe des membres d’Espace Analytique qui viennent régulièrement à Sofia faire des conférences, donner des supérvisions et former des psychanalystes bulgares

- Est-ce qu’on peut faire le portrait de la femme moderne, Mme Parmentier ?
- Evidemment, faire un portrait général de la femme moderne, c’est très difficile. Mais moi, je dirais, qu’on a tendance à élever les filles comme des garçons, c.à.d. – à leur faire faire de plus d’études possibles, ainsi elles deviennent médecins, ingénieurs et elles vivent pratiquement à égalité avec les garçons toute cette période de leur jeunesse. Arrive le moment où les deux sexes se rencontrent et ont envie d’un enfant. Et alors tout le monde dans lequel ces jeunes femmes ont été élevées s’écroule, parce que – un enfant, malheureusement, demande beaucoup de temps. Et du coup, elles ne peuvent plus s’investir autant dans tout ce qu’elles avaient appris auparavant à investir. Et alors on peut trouver toutes sortes de pathologies qui sont liées à ça – les femmes qui ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants, ou bien des femmes qui ne peuvent plus travailler, qui décident par exemple de renoncer à leur métier d’ingénieur pour devenir instits, pour pouvoir s’occuper de leurs enfants. Je trouve que la situation de jeunes femmes aujourd’hui, de jeunes mères, n’est pas facile. Et je vous propose d’aller plus loin dans nos réflexions, pour voir ce qui se passe après, une fois que le couple a des enfants. Si le couple s’entend – il n’y a pas de problèmes, mais s’il ne s’entend pas, les femmes ne sont pas tentées à faire des compromis ni des compromissions comme du temps de nos grand-mères. Et donc – les couples divorcent beaucoup plus souvent. Et on trouve de plus en plus de familles où c’est la femme qui élève presque toute seule les enfants (mais ça pose des problèmes à l’adolescence des enfants). Enfin, pour terminer – ce n’est pas très drôle comme perspective pour une femme de vieillir toute seule. Alors, je crois que si les femmes peuvent arriver à concilier leur désir de s’épanouir avec la présence d’un mari et des enfants, c’est ce qu’il y a encore de mieux.
- Et les malaises de l’homme contemporain ?
- Je pense qu’elles viennent justement de ça, du fait qu’ils sont obligés de se confronter avec des femmes qui ont autant de réussites sociales (si ce n’est plus qu’eux), qui ont autant de besoins d’indépendance, de liberté. Et du coup – les hommes sont un peu remis en question dans leur statut. Et puis – les femmes leur demandent de participer de plus en plus à la maison, de s’occuper des enfants, de participer aux tâches ménagères, bref, c’est une autre vie que la vie de nos grand-parents.
- Etes-vous d’accord qu’on observe une surprotection des enfants par leurs parents et quelles en sont les conséquences ?
- C’est vrai qu’il y a une surprotection. Les enfants sont un bien très précieux aujourd’hui et pour avoir un enfant, on ferait n’importe quoi – toutes ces inséminations artificielles, la lutte contre la stérilité, etc. Il y a 100 ans, les enfants n’étaient pas un bien si précieux que ça, parce qu’on avait tant qu’on voulait. Mais plus les enfants deviennent un bien très précieux, plus les parents ont tendance à les surprotéger. Et parfois ça va jusqu’à les laisser reigner dans la maison. C’est l’enfant-Roi, l’enfant qui tyranise tout le monde. Les parents ne sont pas capables de lui dire : »Non, il faut que tu ailles dormir dans ton lit, non, tu nous laisses tranquilles », c’est l’enfant qui décide...Et je vois beaucoup de familles comme ça dans mon cabinet, en detresse, parce qu’elles ne savent plus comment se conduire avec l’enfant.
- Est-ce que l’identification à l’agresseur (terme employé par Anna Freud) est le plus grand danger dans les jeux-vidéo, parce que même les héros dits « bons » tuent et détruisent ?
- Moi, je suis contre les jeux virtuels et je pense qu’ils sont dangeureux d’une façon générale, pas seulement à cause de l’identification à l’agresseur, mais parce qu’ils mettent l’enfant dans une position de passivité, complètement coupée du monde réel et certains enfants risquent de s’y perdre. Je me souviens d’un petit garçon de 8 ans qui n’est pas du tout psychotique, mais qui m’a raconté un jour en séance qu’il était en classe en train d’écrire ce que la maîtresse en mathématique disait et tout à coup il s’est senti tombé dans le jeu, il est devenu un personnage sur lequel il fallait cliquer pour qu’il avance. C’est inquiétant.
- Dès sa naissance, jusqu’à nos jours, la psychanalyse traite la femme comme une énigme et avoue ne pas pouvoir répondre à la question ce que veut une femme. Mais savons-nous ce que veut un homme?
- Moi, j’ai envie de vous raconter une histoire tirée du cycle du Saint Graal du roi Arthur. Il va à la chasse et il rencontre dans la forêt tout à coup un chevalier noir qui lui dit : »Arthur, j’ai une question à te poser. Si tu réponds, le royaume est à toi. Si tu ne peux pas me répondre, dans trois jours tu viendras ici et je te tuerai et le royaume sera à moi. La question est : »Que veut une femme ? » Alors le roi rentre, il rencontre une gardeuse d’oies et lui demande ce qu’elle veut. La gardeuse d’oies voudrait une paire de sabots. Arthur rencontre la femme du paysan – elle voudrait une robe comme les bourgeoises de la ville. Les bourgeoises de la ville, elles voudraient des bijoux, comme les dames de la cour. Et quand il pose la question aux dames de la cour, chacune veut autre chose. Le roi ne sait pas quoi faire. Au bout de trois jours il retourne au lieu du rendez-vous et du coup il s’endend appelé par quelqu’un. Et il voit une horrible créature, qui ressemble à une sorcière, mais d’une laideur épouvantable, qui lui dit : »Le roi, je possède la réponse à ta question, mais je te la donne à une seule condition – que tu me trouve un de tes chevaliers qui accepte de m’épouser.» Alors Arthur lui dit : »Oui, bien sûr.» Et la femme lui donne la réponse. Quand le roi arrive, le chevalier noir est déjà là et Arthur lui dit: »Ce que veut une femme, c’est - décider elle-même de sa vie.» Le chevalier de fureur brise sa lance et s’en va. Et maintenant Arthur rentre au château et il se dit: »Mais comment je vais pouvoir demander à un de mes chevaliers à épouser une femme comme ça horrible?» Et il est encore plus triste qu’avant. Et voilà que Gauvain, son cher Gauvain, lui dit: »Messire, mais qu’avez-vous, dites-moi, je suis prêt à tout pour vous !» Et Arthur finit par lui raconter l’histoire. Gauvain lui répond: »Pas de problèmes, je l’épouserai.» Il va chercher la femme, l’amène au château, les noces ont lieu et voilà que c’est l’heure pour les époux de se retirer dans la chambre à coucher. Gauvain, assis devant le feu, se demande ce que lui dicte le Code de la chevalerie – qu’est-ce qu’il doit faire, arrivé à ce point-là ? Et à ce moment il entend une voix derrière lui: »Vous ne voulez pas vous coucher, Messire ?» Il se retourne et voit la plus belle des femmes, qui lui raconte qu’elle avait été ensorcelée jusqu’au lendemain des noces, etc., etc....
Je pense que dans cette histoire il y a pas mal de vrai. On y trouve ce que veut une femme, mais aussi – ce que veut un homme.